En 1755, Rousseau publiait son « Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes ». Un texte majeur, qui lui vaudra une déferlante de haine — mais qui n’a jamais été aussi pertinent qu’en 2023. Nous expliquons pourquoi.
Le Discours sur l'origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes : Rousseau crache le morceau (1755) 💥
Ce texte, plus qu'un simple pamphlet, est une bombe intellectuelle
Soyons clairs : le Discours de Rousseau n’est pas là pour flatter l’égo des honnêtes gens. Ce texte, c’est un pavé dans la mare, un coup de fouet lancé à la face d’une société qui se croit civilisée. Rousseau n’écrit pas pour se faire des amis à l’Académie : il dynamite littéralement tout ce que ses contemporains tenaient pour acquis sur l’ordre social et la nature humaine. Autant vous dire, il ne s’agit pas d’un pamphlet fade, mais bien d’une remise à zéro des compteurs de la pensée politique. Je mets quiconque au défi de trouver, dans les productions intellectuelles du XVIIIe siècle, un texte qui ose autant questionner le « progrès ».
« Le premier qui, ayant enclos un terrain, s’avisa de dire ‘ceci est à moi’, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. » — Rousseau. Voilà, tout est dit sur l’esprit de dynamiteur du bonhomme.
Un concours qui tourne au vinaigre et une réponse magistrale
Petit retour sur les faits : en 1753, l’Académie de Dijon – oui, Dijon, capitale de la moutarde mais surtout du conformisme bourgeois, lance un concours au sujet faussement inoffensif : « Quelle est l’origine de l’inégalité parmi les hommes, et est-elle autorisée par la loi naturelle ? » Rousseau, venu de nulle part, y répond de la façon la plus explosive possible. Le texte est finalement publié en 1755, et ne remportera ni le concours, ni l’amitié des notables. L’ironie ? Ce qui devait être un exercice académique vire en une attaque frontale contre la société tout entière !
L’inégalité : fruit de la nature ou de la société ?
Rousseau n’y va pas par quatre chemins : l’inégalité est-elle inscrite dans nos gènes, ou bien n’est-elle qu’une invention sociale ? Tout le Discours tourne autour de cette alternative explosive. Si l’inégalité est naturelle, alors les dominés n’ont qu’à la fermer ; si elle est sociale, c’est le système qu’il faut balayer — et là, on comprend pourquoi ça grince chez les puissants.
Résumé clé :
- Hypothèse 1 : l’inégalité serait naturelle, donc inévitable et légitime.
- Hypothèse 2 : l’inégalité serait sociale, donc construite et critiquable.
Dans la vraie vie, ce vieux débat n’a rien perdu de son actualité… et ça, peu de monde ose encore le regarder en face.
L'homme à l'état de nature, un malentendu permanent 🤷♂️
L'homme sauvage selon Rousseau, entre pitié et indépendance
Autant vous dire, Rousseau ne s’est jamais amusé à dessiner un homme préhistorique beuglant, nu sous les arbres, apeuré par le moindre bruit. Cette vision de l'homme sauvage façon BD, c'est du flan, une caricature pour enfants gâtés de la modernité. Rousseau, lui, parle d’un être foncièrement bon, mu par deux ressorts : l’amour de soi (instinct de conservation, pas narcissique pour deux sous) et la pitié naturelle (répugnance à voir souffrir autrui, une compassion spontanée qui précède toute morale).
Dans la vraie vie du « sauvage » rousseauiste, pas de compétition, pas de hiérarchie, pas de paranoïa. L’homme s’autosuffit, il ne dépend de personne, il vit seul ou en petits groupes, ignorant jusqu’à la jalousie. La société n’a pas encore mis le grappin dessus — c’est la grande époque de l’indépendance radicale, pas celle de l’individualisme forcené des startuppers.

Anecdote peu connue : Rousseau affirme que même les animaux possèdent cette fameuse pitié naturelle… Ce qui laisse songeur quand on regarde les débats actuels sur la violence « animale » comparée à la nôtre !
Amour de soi vs amour-propre : la première fracture
Soyons clairs, c’est ici que tout s’effondre ou que tout commence, selon votre humeur. Rousseau oppose violemment amour de soi et amour-propre. Le premier est naturel, il me pousse à survivre sans nuire ; le second est artificiel, né de la société.
- Amour de soi : instinct primaire, souci de sa propre existence, compatible avec la paix, la solitude, la simplicité.
- Amour-propre : besoin maladif du regard d’autrui, naît dans la comparaison sociale, engendre jalousie, rivalité, volonté d’écraser l’autre pour se sentir exister.
- Effet social : L’amour-propre s’enflamme avec la vie en communauté et devient le moteur sournois de toutes nos névroses collectives.
L’amour-propre est la première faille qui fissure la belle mécanique du sauvage indépendant.
Artisanat, métallurgie et propriété : les vrais catalyseurs du chaos
On veut toujours accuser « la nature » ou « la fatalité »… Soyons honnêtes : c’est l’apparition de la technique et surtout de la propriété privée qui fout tout par terre. Quand les humains s’inventent des outils, puis la métallurgie (le feu, le métal, tout ce cirque), ils s’organisent, créent des dépendances. Et là, boum : chacun veut être le plus malin, posséder plus que son voisin. La propriété foncière ? C’est le péché originel version Rousseau.
La société devient alors une affaire d’ego, d’envie, de domination. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Rousseau qui le martèle : sans artisanat, sans propriété, pas d’inégalité durable. Et là, le « progrès » fait son entrée… sur un terrain déjà miné.
Pour ceux qui pensent que la propriété privée est un sujet anodin, il est utile de creuser les dangers de la propriété privée.
L'héritage et la pertinence du Discours : pourquoi il nous secoue encore aujourd'hui ✊
De l'état de nature à la critique sociale : le fil conducteur de Rousseau
Autant vous dire, Rousseau ne fait jamais dans la dentelle : il ne se contente pas d'écrire un texte provocateur pour épater la galerie. Son obsession est de déshabiller l'homme moderne pour retrouver ce qu'il y a de plus authentique, de plus brut. Retrouver l'état de nature ? Non, il s'en sert comme d'un miroir pour dénoncer la mascarade de la société actuelle. Ce fil conducteur – du Discours jusqu'au Contrat Social – consiste à remonter à la racine des choses pour mieux dénoncer les impostures du présent. Le passé n'est qu'un prétexte pour mieux dynamiter le présent, et Rousseau ne rate jamais l'occasion.
Anecdote qui tue : dans le "Contrat Social", il piétine la monarchie en expliquant que la loi n'a de valeur que si elle vient du peuple souverain... C'est dans la droite ligne du Rousseau du "Discours", qui ne supporte pas qu'on légitime la domination au nom de la nature ou de la tradition !
Le Discours anticipe les révolutions et les débats contemporains
Soyons clairs : le "Discours" n'a pas seulement inspiré des philosophes en chambre, il a mis le feu aux poudres dès la Révolution française. Les sans-culottes, les révolutionnaires, et tous les contempteurs d'injustice sociale y ont trouvé leurs munitions. Mais l'affaire ne s'arrête pas là : jusqu'à aujourd'hui, chaque fois que la société s'interroge sur la légitimité de ses inégalités, le fantôme de Rousseau revient hanter les débats publics. La fracture sociale, la dénonciation de la "méritocratie", la critique du consumérisme ? On nage en plein Rousseau, que ça plaise ou non !!
Le Discours est le mode d'emploi des révoltés de toutes les époques : ceux qui ne gobent pas l'excuse des inégalités naturelles pour justifier la misère organisée.
Où sont les traces de l'inégalité rousseauiste dans notre monde ?
Ouvrez les yeux, rien n'a bougé depuis 1755 – ou presque. Dans la vraie vie, l'inégalité à la sauce Rousseau, on la croise tous les jours, même si on fait semblant de ne pas la voir.
- La pression sociale pour la réussite : on fait croire qu'il est naturel d'échouer si l'on n'a pas le bon réseau, le bon look ou la bonne école.
- La course à la consommation : Rousseau anticipait déjà ce piège – on crée sans cesse de nouveaux besoins pour que le voisin ait toujours plus que soi.
- Publicité et besoins artificiels : on fait croire que sans la dernière paire de sneakers, on est un homme de Cro-Magnon. C'est l'amour-propre à la sauce XXIe siècle !
- Légitimation de la richesse : ceux qui possèdent expliquent que leur fortune est méritée, naturelle. Rousseau en rirait.
- Statut social comme justification : on continue à trouver des excuses « naturelles » pour expliquer pourquoi certains vivent au sommet et d'autres peinent.
Checklist — Manifestations de l'inégalité rousseauiste aujourd'hui :
- Pression scolaire et universitaire (classement, compétition, exclusion)
- Starification des ultra-riches et mépris ordinaire pour les « perdants »
- Survalorisation de l'apparence et du paraître
- Acceptation du chômage et de la précarité comme fatalité ou juste retour des choses
- Déification de la propriété privée et de la réussite matérielle
Autant vous dire que Rousseau, s'il débarquait dans un open space ou un plateau télé, il aurait quelques punchlines à balancer. Personne n'est à l'abri de sa lucidité corrosive.
Rousseau, un provocateur toujours d'actualité
Le Discours de Rousseau n’a rien perdu de son tranchant. Ceux qui pensent avoir affaire à une relique pour collectionneurs de citations devraient changer de lunettes — ce texte décape encore plus qu’un fil Twitter énervé. Rousseau ne propose pas une utopie naïve, il démonte — pièce par pièce — les ressorts de l’inégalité qui continuent de gangrener nos sociétés. Il ne nous laisse aucune échappatoire confortable : si l’on souffre du monde tel qu’il est, c’est qu’on a collectivement choisi de s’éloigner de tout ce qui, en nous, pourrait résister à la corruption sociale.
Résumé en 3 points clés :
- Le Discours révèle que l’inégalité n’est ni naturelle ni fatale : elle est construite et donc contestable.
- Rousseau anticipe la critique du progrès, des institutions et de la fabrication artificielle des besoins — un sujet toujours d'actualité.
- Il invite chacun à se regarder en face et à assumer sa part de responsabilité dans le maintien des injustices.
Dans la vraie vie, se frotter à Rousseau, c’est accepter de voir ce qu’on ne veut pas voir : notre participation active à la mascarade sociale. Lecture difficile ? Oui. Inconfortable ? Forcément. Mais c’est tout l’intérêt d’une œuvre subversive.
Oubliez les versions édulcorées. Relisez le Discours sans œillères, en laissant Rousseau vous déranger. Il n’offre aucune solution prémâchée, il pousse à penser, à douter, à refuser la facilité. Si cet ouvrage ne vous secoue pas, c’est que vous êtes déjà bien installé dans la routine de l’inégalité.