La loi de Poisson est sans doute l’outil statistique le plus pratique, élégant et puissant que les maths aient produit. Elle est aussi le plus incompris, le plus mésestimé et le plus mal enseigné. Et pour cause : dans la vraie vie, elle remplace une infinité d’équations par une formule simple, rapide et implacable. Le tout, avec un niveau de précision qui frôle l’indécence. Autant vous dire qu’elle est la meilleure alliée des galériens des stats. Du moins, quand on sait l’utiliser. Car si elle est redoutable, elle n’en est pas moins exigeante. Alors, on t’a préparé le guide le plus complet en français pour comprendre, utiliser et maîtriser la loi de Poisson. Au programme : 1) une explication limpide de la formule ; 2) un exemple chiffré et détaillé ; 3) une astuce d’approximation qui change la vie. Plus une tonne de bonus à ne surtout pas louper.
Formule de la loi de Poisson : explication simple 🧮
[
P(X = k) = \frac{e^{-\lambda} \lambda^k}{k!}
]
Traduction directe, sans filtre académique : P(X = k), c’est la probabilité d’observer exactement k occurrences d’un événement dans un laps de temps donné, avec une moyenne attendue λ. Autant vous dire : si vous savez encore aligner trois multiplications et saisir une factorielle, cette loi est à portée de poignet. Pas de blabla inutile.
Exemple immédiat (λ=2, k=3) :
- ( P(X=3) = \frac{e^{-2} \times 2^3}{3!} = \frac{0.1353 \times 8}{6} \approx 0.1804 )
- Donc environ 18% de chance d’avoir exactement 3 appels en période où la moyenne est 2 !
« Si vous savez effectuer des calculs simples, vous pouvez maîtriser la loi de Poisson. »
Quand l’utiliser : critère « événements rares » en moins de 3 lignes
Vous dégainez la loi de Poisson quand :
- Les événements sont indépendants.
- La proba individuelle est très faible, mais le nombre d’essais est énorme.
- L’occurrence simultanée de deux événements est négligeable sur le même intervalle (unicité).
Exemples qui claquent dans la vraie vie :
- Nombre de chutes de météorites sur Paris par an.
- Appels reçus à un standard entre midi et deux.
Les trois critères fondationnels du recours à la Poisson :
1. Les événements sont indépendants les uns des autres.
2. La fréquence moyenne λ par unité reste stable (homogénéité).
3. On ne peut pas avoir deux événements pile au même instant (unicité).
Décrypter la loi de Poisson sans anesthésie
Origine historique express : Siméon-Denis Poisson et ses statistiques de tribunaux

Vous croyez que la loi de Poisson sort d’un chapeau ? Pas du tout ! Siméon-Denis Poisson, au XIXe siècle, s’est plongé dans les archives judiciaires françaises pour compter le nombre incroyable d’erreurs de verdicts commis par des jurys populaires. Plutôt que de spéculer à la louche, il a épinglé les juges avec des stats réelles tirées des Comptes généraux de l’administration criminelle. Il a été l’un des premiers à quantifier l’aléa judiciaire, un sujet tabou à son époque, pour démontrer que même la justice obéit aux lois du hasard.
Les trois hypothèses fondatrices (indépendance, homogénéité, unicité)
Soyons clairs :
- Indépendance : Chaque événement (appel, accident…) sort du chapeau sans se soucier du précédent. Dans la vraie vie, si un appel en déclenche dix autres, passez votre chemin.
- Homogénéité : Le taux λ reste stable sur la période étudiée. Si le rythme change toutes les heures (genre ambiance Black Friday), niet pour la Poisson.
- Unicité : Pas deux événements pile au même instant. Si c’est possible (genre bugs informatiques massifs), la Poisson explose en vol.
Trois critères simples et non négociables. Sans eux ? On fait n’importe quoi !
Lien immédiat entre λ, espérance et variance – et pourquoi c’est pratique
Dans une Poisson, pas de prise de tête : l’espérance et la variance sont toutes les deux égales à λ. Oui oui, pas besoin de jongler avec np(1-p) comme pour une binomiale à rallonge.
Loi | Espérance | Variance |
---|---|---|
Binomiale | np | np(1-p) |
Poisson | λ | λ |
Normale | μ | σ² |
Résultat ? Un seul paramètre à retenir et à manipuler. Les erreurs de calcul chutent en flèche — fini d’oublier ce fichu (1-p) qui plombait vos copies !
Approximations : quand la binomiale se déguise en Poisson
On va pas tourner autour du pot : l’approximation de la binomiale par une Poisson, c’est l’arme secrète des malins aux concours… à condition de ne PAS roupiller sur les critères d’application.
Conditions n grand, p petit, λ=np constant
Mémo à graver : n≥30, p≤0,1 et surtout λ = np (constance du produit). Si vous tombez sur un Bin(n,p) où le nombre d’essais explose et que la proba de succès fond comme neige au soleil, bingo : passez en mode Poisson(λ).
Oui, c’est arbitraire mais c’est ce qui évite à vos résultats de finir dans la rubrique "désastres".
Erreur maximale : ordre de grandeur et pièges d’examens
Petit comparatif entre Bin(60, 0.1) donc λ=6 et Poisson(6), histoire de voir jusqu’où ça tient la route. Regardez ce tableau (arrondi à 4 décimales) :
k | Binomiale P(k) | Poisson P(k) | Erreur relative (%) |
---|---|---|---|
0 | 0.0002 | 0.0025 | +1150 |
1 | 0.0013 | 0.0149 | +1046 |
2 | 0.0055 | 0.0446 | +710 |
3 | 0.0179 | 0.0892 | +398 |
Pour k éloigné de λ : l’erreur explose ! Moralité ? N’utilisez cette approximation QUE pour les valeurs proches de la moyenne.
Exercice flash de conversion Bin(n,p)→Poisson(λ)
Prenons Bin(200, 0,03). On calcule : λ = np = 6.
On veut la proba d’obtenir zéro succès (P(X=0)) :
- Loi binomiale : P(X=0) = (1-0,03)^200 ≈ 0,0018
- Loi de Poisson : P(X=0) = e^{-6} ≈ 0,0025
Liste des étapes express :
- Identifier n élevé & p faible.
- Calculer λ=np.
- Vérifier n≥30 ET p≤0,1 ET 5≤np≤20.
- Appliquer P(X=k) = e^{-λ} λ^k/k! pour k choisi (ici k=0).
- Comparer avec le résultat binomial si besoin.
Résultat ? L’approximation Poisson surestime légèrement pour k extrêmes… mais reste imparable au centre !
Table de la loi de Poisson : comment la lire (et surtout la créer)
Construire sa propre table avec Excel/Google Sheets
Autant vous dire, la "table de Poisson" ne relève pas du miracle académique. Sur Excel ou Google Sheets, c’est une bête boucle sur les valeurs de k (mettez 0 à 20, largement suffisant pour la plupart des cas pratiques). Deux colonnes à préparer :
- P(X=k) : proba exacte, obtenue par =LOI.POISSON.N(k;lambda;FAUX)
- P(X≤k) : cumulée, donc =LOI.POISSON.N(k;lambda;VRAI)
Pour λ=4, voici un extrait prêt à l’emploi :
k | P(X=k) | P(X≤k) |
---|---|---|
0 | 0.0183 | 0.0183 |
1 | 0.0733 | 0.0916 |
2 | 0.1465 | 0.2381 |
3 | 0.1954 | 0.4335 |
4 | 0.1954 | 0.6289 |
5 | 0.1563 | 0.7852 |
... | ... | ... |

« Si vous savez faire un copier-coller et rentrer une formule, vous aurez votre table plus vite qu’un prof ne trouve ses feutres ! »
Lecture rapide sans se planter : l’astuce imbattable
Soyons directs : en examen, celui qui hésite entre ligne et colonne rentre chez lui sans point supplémentaire.
Règle mnémotechnique façon sniper : ‘ligne-k, colonne-P, résultat-champagne’.
- Cherchez la ligne correspondant à votre k de cible.
- Choisissez la colonne désirée (P(X=k) pour pile k ou P(X≤k) pour le cumul).
- Notez le résultat… et seulement maintenant, ouvrez le champagne (ou cochez votre QCM).
Anecdote sauce salle d’examens : j’ai déjà vu des candidats gaffer en prenant le cumul au lieu du point exact – verdict : zéro pour cause d’empressement ! Ouvrez les yeux avant d’ouvrir le stylo.
FAQ : obstacles réels posés par mes étudiants
λ décimal ? Interprétation terrain
Arrêtez de croire qu’il faut un λ entier pour la loi de Poisson ! Ce paramètre, c’est juste la moyenne attendue sur l’intervalle : il peut être décimal, du moment qu’il est strictement positif. Sur une autoroute où on compte 2,7 accidents par heure, λ=2,7 modélise parfaitement votre risque — même si jamais personne n’a vu 0,7 accident en vrai. Ce n’est pas le nombre d’événements réels mais bien la moyenne qui compte.
Anecdote vécue : chaque année, un malin tente « Mais chef, j’ai compté 17 accidents en 6 heures, ça fait 2,83… C’est pas réglo ? ». Si, c’est pile ça le sens profond du paramètre.
Poisson ou Binomiale ? Rappels + schéma décisionnel
Soyons clairs :
- Binomiale = nombre d’événements dans un nombre FIXE d’essais (genre : pile ou face sur 100 lancers).
- Poisson = nombre d’événements dans un intervalle de TEMPS ou ESPACE fixé (genre : éclairs pendant 10 minutes).
- On passe à la Poisson quand n est grand, p très petit, ET np modéré.
Liste sniper pour décider :
1. Mes essais sont-ils indépendants ?
2. Le nombre total d’essais explose-t-il (n≥30) ?
3. La proba individuelle p ≤ 0,1 ?
4. Ai-je np entre 5 et 20 ?
- Oui à tout ? Go pour Poisson !
- Non à une seule question ? Retour direct à la Binomiale.
« Si p dépasse 10 %, privilégiez la loi Binomiale à la loi de Poisson. »
Quand λ→∞ : convergence vers la Loi Normale
Dans la vraie vie statistique, plus λ devient énorme (disons au-delà de 15), la distribution de Poisson commence carrément à ressembler à une Loi Normale centrée en λ et écart-type racine(λ). C’est le théorème de Moivre-Laplace qui pose ça noir sur blanc. Résultat ? Pour des gros volumes d’événements rares agrégés, vous pouvez sortir le calcul normal comme les vieux briscards — avec une précision quasi chirurgicale.
Exercices corrigés niveau concours (avec explications sans pitié)
QCM chronométré : vos réflexes Poisson en 5 minutes
- Laquelle des situations se prête le mieux à la loi de Poisson ?
- A. Nombre de piles jetées sur 100 lancers
- B. Nombre d’accidents de bus par semaine dans une grande ville
- C. Valeur totale obtenue au lancer de deux dés
- Pour une loi de Poisson(λ=3), quelle est l’espérance ?
- A. 0
- B. 3
- C. 9
- L’approximation binomiale → Poisson est justifiée si :
- A. n petit, p grand, np petit
- B. n grand, p petit, np modéré
- C. n et p quelconques
- Sur une période où λ=5, quelle est la proba d’observer exactement zéro événement ?
- A. e^{-5}
- B. 1-e^{-5}
- C. (5^0) / (0!)
- Si on additionne deux variables indépendantes X~Poisson(2), Y~Poisson(3), la somme suit ?
- A. Poisson(6)
- B. Poisson(5)
- C. Binomiale(5,0,5)
Grille de correction :
- 1: B — 2: B — 3: B — 4: A — 5: B
Problème rédactionnel type prépa – solution détaillée
Énoncé : Accidents à Berlin en 1890
On observe à Berlin en 1890 que le nombre moyen d’accidents mortels de fiacres par mois est λ = 2,6.
Quel est le risque qu’en juillet aucun accident mortel ne soit recensé ? Et au moins deux accidents ?

Solution détaillée
Posons X le nombre d’accidents mortels en juillet (X ~ Poisson(λ = 2,6)).
- P(X = 0) = e^{-2,6} ≈ 0,0743 (soit environ 7%).
- P(X ≥ 2) = 1 – [P(X=0) + P(X=1)]
P(X=1) = e^{-2,6} × (2,6)^1/1! ≈ 0,193.
Donc P(X ≥2) ≈ 1 – (0,0743 + 0,193) ≈ 0,7327 (soit près de 73%).
🟢🟢🟢🟢⚪ : clarté du modèle et calculs propres exigés.
Astuce : pas besoin de s’inventer un drame historique pour sortir un résultat exploitable.
Pièges classiques et astuces anti-panique :
- Oublier les critères fondateurs : Appliquer la loi sans vérifier indépendance/homogénéité/unicité revient à faire du loto.
- Confondre espérance et variance : Dans la Poisson c’est pareil ! Ne cherchez pas midi à quatorze heures.
- Utiliser n’importe quel λ : Calculez-le sur l’intervalle réel étudié sinon vos résultats seront hors-sol.
- Se planter entre cumulée et exacte : Lisez bien les questions du QCM avant de noircir votre case !
- Tenter l’approximation binomiale→Poisson hors cadre : Si np 20 vous partez droit dans le décor statistique.
La loi de Poisson, alliée des galériens des stats
Vous pensiez que la Poisson était réservée aux matheux en col blanc ? Laissez tomber. Si vous savez lire une table et oser l’approximation qui fait mouche, la Poisson devient votre arme de poing statistique. Arrêtez de trembler devant λ : maintenant, attrapez-le et balancez des probabilités sans pitié – les concours, dossiers, ou rapports n’attendent que ça !